
Un public pygmalion
De prime abord, Archipel numérique est une expo comme les autres. Des œuvres posées dans les pièces du Château, peut-être un peu ronflantes. Mais, en s’approchant plus près, le public voit l’œuvre se transformer, émettre un son ou s’illuminer. Il n’y a pas de magie ! Personne n’est caché derrière vous pour traficoter en cachette : c’est vous qui agissez directement sur l’œuvre !
Bardées de capteurs et de logiciels qui saisissent et interprètent les mouvements des visiteurs, ces œuvres d’art numérique sont vivantes. L’Haptonymphe de Marie Claudel, grande chrysalide suspendue s’enthousiasme quand on la touche. Les bambous gravés de la Flûte enchantée de Will Nerho se dessinent avec le souffle. Les projections de Hugo Verlinde et de Maâ Berriet invitent le spectateur à entrer dans la danse de leur pluie de pixels et à créer, en direct, son œuvre à la force ses mouvements.
Un art en plein développement
Aux détracteurs de l’art numérique, qui pourraient l’opposer aux traditionnels beaux-arts, Henri Gama, commissaire de l’exposition explique que « le numérique est un médium supplémentaire sur la palette des plasticens. L’intervention d’un développeur qui créera le logiciel nécessaire à la réalisation de l’œuvre est tout à fait comparable à la collaboration d’un sculpteur avec un fondeur ou un menuisier ». En 2017, Henri Gama et son association MwâUnesco était à l’orgine de la première formation en art numérique en Nouvelle-Calédonie, menée avec l’agence du Pixel Blanc, représentée par Hugo Verlinde et Mâa Berriet. Douze artistes locaux plasticiens et interdisciplinaires y avaient participé. Marie Claudel, Anne Peytavin, Will Nerho, Fabrice Ballay et Thomas Wachter ont continué l’aventure en menant à bien leur projet artistique cette année.
Des perspectives à l’export ?
L’art numérique calédonien s’inscrit dans un développement mondial et pourrait bien faciliter l’export des artistes locaux. Des territoires proches du Caillou sont déjà bien avancés dans l’acceptation de cet art très contemporain dans les musées, mais aussi dans la société civile, comme en Australie et au Japon. « Chacun de ces pays nourrit un imaginaire numérique spécifique, ajoute Henri Gama. Au Japon, par exemple, l’art est très orienté vers la robotique, héritage d’un développement technologique de longue date. En Calédonie, on voit naître une forte sensibilité autour de la nature et de la culture, comme avec l’œuvre de Anne Peytavin et Fabrice Ballay à propos du corail ou celle de Will Nerho sur la tradition musicale des flûtes kanak. On a une carte à jouer avec cette sensibilité particulière auprès des autres territoires numériques. » Enfin, si les œuvres numériques ont un coût élevé lors de la création, elles peuvent en fonction de leur volume, être facilement transportables avec peu de fret et voyager facilement. A bon entendeur, salut !